samedi 25 juin 2022

Qui mal sème, mal récolte.

Les températures de l’air mais surtout du sol sont élevées et donc propices au regarnissage des greens avec de l’agrostide stolonifère (Agrostis palustris / Creeping Bentgrass). Nous sommes durant 3 jours (21, 22 et 23 juin) en lune montante et jours "feuilles" du calendrier lunaire soit les conditions optimales pour semer (ou sursemer) du gazon.

L’agrostide est une graminée agressive qui supporte des tontes rases (parfois 2.5mm….) et qui émet des stolons en surface du sol d’où son ancien nom vernaculaire de Trainasse. Ce mode de végétation permet lorsqu’on coupe ces stolons avec le passage du verticut d’obtenir un gazon dense, en multipliant le nombre de plantes au m² par multiplication végétative. 

Des regarnissages fréquents, deux à quatre fois par an, permettent de renouveler la population de graminées sur les greens et de maintenir un tapis parfait. En effet, en plus d’être moins sensible aux maladies que le pâturin annuel, cette espèce est sélectionnée pour sa couleur, sa résistance au piétinement et son agressivité. En zone méridionale, c’est son adaptation à la chaleur qui en fait la reine des greens. En zone intermédiaire (nord de la Loire), l’agrostide commune (Brown Top) peut être utilisée en association avec l’agrostide stolonifère. Dans des régions plus septentrionales encore, l’agrostide commune (Capillaris ou ténuis) seule ou associée à de la fétuque rouge, est la seule option de par leur adaptation aux conditions plus froides. Dans ce cas, les greens seront tondus moins ras, 5 à 6mm, pour préserver la fétuque. L’agrostide stolonifère est une plante thermophile, ce qui signifie qu’elle a besoin de chaleur pour pousser mais surtout pour germer. La température du sol est donc primordiale pour réussir son semis, ou en ce qui nous concerne, notre sursemis (overseeding). Cette semaine la température du sol était entre 22.8 et 24,2 sur les greens.   

Un train de travail se met en route. Tout d’abord, un brossage permet d’enlever la rosée et de redresser un peu le brin du gazon. Puis la tondeuse équipée d’éléments verticut coupe verticalement à  -3mm les tiges et les stolons du gazon, favorisant la pénétration de l’eau et de l’air en surface. La matière extirpée (morceaux de limbes morts, de racines et de stolons) permet également de réguler l’accumulation de matière organique dans le 1er centimètre du sol et de limiter le développement du feutre (thatch ou chaume). Une seconde tondeuse équipée des éléments de tonte ramasse les déchets. Si ça n’est pas suffisant, un souffleur disperse les derniers paquets.

Les sillons opérés en surface par le verticut offrent un emplacement idéal pour la graine microscopique d’agrostide. Avec 15 000 à 20 000 graines au gramme, l’agrostide se sème entre 4 et 6 grammes au m² en regarnissage, comme le montre la photo ci-contre. 


Pour cette opération, le semis sera effectué à la volée avec un épandeur centrifuge, en prenant soin de ne pas déborder sur les colliers de greens. Cette année, pour le premier regarnissage j’ai opté pour la variété d’ICL Riptide et son bon comportement hivernal (tolérance au froid) et sa résistance aux maladies.

Un léger Top Dressing à 0.2 litres au m² permettra de couvrir la graine d’un voile de sable. Un dernier petit brossage et tout est parfait. On maintiendra humide la surface pour une bonne germination. 

Pour le second passage (18, 19 et 20 juillet) sera utilisé le mélange de Barenbrug, Bartrio (Tigershark, 007 et Déclaration) trois agrostides stolonifères complémentaires avec un bon comportement hivernal, une bonne résistance à la sécheresse et au piétinement, une couleur pas trop bleutée).

En deuxième partie d’été, du 14 au 16 août, un troisième passage en Barduo (50% stolonifère Tyee et 50% capillaris Barking) est planifié.

En cas de coup dur au creux de l’hiver, un regarnissage de secours sur green est envisageable en Pâturin Commun (Poa Trivialis) capable de germer et de pousser à des températures très basses même par temps humide. Vitesse de germination de quelques jours, faible résistance au piétinement et inadaptation à la chaleur (elle ne restera pas) en font l’allié parfait pour couvrir le sol après des dégâts de maladie, une fuite d’huile hydraulique ou des dégâts d’animaux en attendant de pouvoir recourir à l’Agrostide Capillaris. 

Qui mal sème, mal récolte, dans le cas des greens, le fruit d'un bon regarnissage se verra la saison d'après. C'est la densité obtenue qui fera office de bonne récolte.    


dimanche 5 juin 2022

Il faut chercher la petite bête

Les restrictions actuelles et encore plus celles à venir de l’usage des produits phytosanitaires ont modifié les comportements des greenkeepers. De plus en plus de parcours adoptent des stratégies de lutte basées sur des produits de bio-contrôle pour suppléer ou remplacer les traitements chimiques des maladies ou des ravageurs.

L’éradication des maladies et des ravageurs, ou tout au moins leur contrôle, par des auxiliaires naturels (champignons, bactéries, nématodes), permet de réduire l’usage des pesticides et donc l’impact sur l’environnement.

Les divers paramètres environnementaux liés au sol ou au climat influent sur l’efficacité de ce type de traitements. Les champignons, bactéries et nématodes utilisés sont sensibles aux UV et requièrent un sol humide avec un pH légèrement acide et une température minimum du sol de 10 à 15 °C. Un taux de matière organique satisfaisant est un plus pour permettre l’installation et le développement de ces micro-organismes.

Leur mode de fonctionnement agit selon trois grands axes :

-   La lutte spatiale, le mycélium des champignons auxiliaires colonise le sol et confisque l’espace aux champignons pathogènes.


-  La concurrence alimentaire, les bactéries et les mycéliums consomment les mêmes ressources que les organismes pathogènes, les privant ainsi de nourriture.


-    La destruction pure et simple par un effet biocide de certains organismes auxiliaires ou de substance émise par eux. Par exemple, des nématodes entomophages qui pondent dans les larves de ravageurs (tipules ou  hannetons) qui servent d’hôte et de nourriture à leurs petits.   

La réintroduction régulière de bons champignons et de bonnes bactéries, aide le sol à mieux fonctionner. Ces micro-organismes sont, rappelons le, parmi les premiers êtres vivants à avoir colonisé notre planète. Le choix des produits à utiliser pour ensemencer son sol est dicté en premier lieu par l’effet souhaité (régulation des ravageurs, diminution de la pression de maladies, réduction du feutre, réactivation ou/et digestion de la matière organique etc).

- Les souches doivent provenir d’un laboratoire agréé

- Le produit doit contenir exclusivement des germes ou des souches de classe I (non toxiques, non pathogènes)

- Le produit doit contenir des micro-organismes vivants et en nombre suffisant. Attention aux produits dilués de moindre concentration.

- Le stockage même court, dans de bonnes conditions, doit permettre une utilisation même avec un petit délai avant l’application.

- Les spécialités vendues comme ‘’bio’’ doivent bénéficier d’une homologation ‘’Bio’’. Sinon ce sont des ‘’Produits naturels’’.

Bacillus, pseudomonas, trichodermes, nématodes, nitrosomonas, nitrobacter et autres aspergillus sont des auxiliaires indispensables au bon fonctionnement du sol et à la lutte intégrée des divers pathogènes et problèmes culturaux. Un taux satisfaisant de matière organique (de la bonne matière organique) est un gage de qualité propre à aider à l’installation et au développement des micro-organismes qu’elle contient en partie déjà naturellement. Un sol aérobie et humide sans excès est la condition sine qua none de tout projet de bio-contrôle. L’activité microbienne  est le fondement de la bonne gestion d’un sol et de la santé des plantes.

Conduire son entretien, avec un programme précis et complet en ce sens n’est ni compliqué, ni onéreux, cela réclame juste de la planification et de l’anticipation du fait de l’inertie de ce type de pratiques. 


On récolte ce qu’on sème dit un vieil adage.