lundi 2 juillet 2018

La Vitesse peut tuer


Il y a de nombreuses années, un dénommé Edward Stimpson, golfeur émérite et assidu, aspirait à plus d’homogénéité entre les greens d’un même parcours. Pour parvenir à ses fins, il inventa un dispositif destiné à s'assurer que tous les greens du parcours proposaient une vitesse semblable. L'idée était de donner aux intendants un  moyen simple de comparer la vitesse du green N°4 avec celles du 13 et du 17 et de pouvoir prendre des mesures pour harmoniser tout cela (voir article sur La Promotion Dames). C'était, sans doute, une idée louable. Cependant, il arrive parfois que les bonnes idées soient dévoyées.


 Aujourd'hui, son outil, le Stimpmeter, est souvent utilisé abusivement pour comparer la vitesse des greens d’un parcours à l’autre et, malheureusement, établir une référence pour la difficulté des greens.

On entend parfois les golfeurs dire ‘’ Hey les gars ! les greens du Golf d’à côté sont à 3m45 cette semaine’’.  Cela signifie simplement que les greens étaient aussi rapides que du carrelage et donc presque injouables surtout s'ils sont petits et avec un peu de relief.

D'un point de vue purement commercial cela peut se défendre mais il faut toutefois prendre en compte le coût de l’entretien de telles pratiques, l’impact sur l’environnement et les conséquences sur la santé des greens sur le long terme. En bref, et c’est bien connu, la vitesse peut tuer.

Voici pourquoi : un green sain et vigoureux peut être maintenu à une hauteur de coupe assez rase (3mm) pour de courtes périodes, sans conséquences graves si ledit green est bien préparé et les conditions météorologiques acceptables.

Les parcours hôtes de grands tournois, préparent les greens des mois en avance et allouent un budget conséquent pour proposer des greens francs, vigoureux et rapides pour les joueurs des épreuves de la PGA. Par exemple, les greens à Augusta National ou Oakmont peuvent ‘’rouler’’ au-delà des 3m50, correctement préparés et en conditions sèches.Toutefois, les greens rapides sont très fragiles. Si on fait la comparaison avec le corps humain, on pourrait dire que leur système immunitaire peut être très affaibli. Ils deviennent sensibles aux maladies et aux ravageurs et par conséquent peuvent nécessiter des traitements chimiques supplémentaires.

Les conditions météorologiques peuvent également  détériorer rapidement la santé d'un green. Des températures élevées et le manque d'humidité dans l'air peuvent endommager des greens maintenus à des hauteurs de tonte très courtes. Les risques, de maintenir des greens à des vitesses très élevées, même avec une bonne technicité, en conditions difficiles, sont très importants.Durant l’été 1995, à travers l'est des États-Unis, une longue période de sécheresse avec des températures élevées, avait dégradé durablement les greens sur nombre de parcours.  Beaucoup de golfs, parmi les plus connus du monde, avaient subi de très graves dommages, qui avaient altéré durablement  la qualité des greens, les rendant souvent injouables pour la seconde moitié de l'année. Bon nombre d'entre eux avaient dû être ressemés voire replaqués en intégralité. Avec toutes les conséquences que l’on imagine en termes de budget, de jouabilité et de réputation.Les solutions pour résoudre la délicate équation de la vitesse des greens réside dans la recherche et le développement de nouvelles graminées (espèces et/ou variétés) plus tolérantes aux conditions requises à l’obtention de greens rapides.  Au-delà des firmes commerciales, les organisations telles que l'USGA, la PGA et la GCSAA investissent des millions de dollars dans ces travaux de recherche. 



D’un autre côté, les golfeurs doivent également comprendre et accepter les limites biologiques des greens, systèmes vivants sensibles.Messieurs les golfeurs, tenez également compte des conseils des intendants qui gèrent, nourrissent, protègent et soignent ces écosystèmes.


Enfin, beaucoup de golfeurs doivent changer leurs attitudes au sujet de l'aspect compétitif de la vitesse des greens, comme doivent changer les mentalités avec les restrictions d’eau, d’engrais et de produits phytosanitaires.  Ils seraient bien inspirés, dans le sillage de M. Stimpson, de considérer le stimpmeter comme un outil en recherche d’homogénéité des greens et non un juge (pas souvent de paix) entre les parcours.

Source GCSAA (Golf Course SuperIntendents Association of America)
 Traduction Pascal VANHOLLEMEERSCH